La décision d’expulser une personne vers son pays d’origine en raison d’actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale.

CE, réf., 3 août 2022, n° 466554

Un homme, de nationalité marocaine, né et résidant régulièrement en France depuis sa naissance, marié avec une ressortissante marocaine, en situation régulière sur le territoire français a cinq enfants majeurs de nationalité française. Depuis le début des années 2000, il réalise des réunions et conférences, mises en ligne et diffusées sur internet, notamment sur les réseaux sociaux, portant sur l'islam et les questions religieuses.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris la décision, le 29 juillet 2022, de l’expulser du territoire français et de lui retirer son titre de séjour en fixant le Maroc comme pays de destination.

Il lui est reproché d’avoir un comportement constitutif d'actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes de nature à justifier son expulsion : propos antisémites et forte hostilité à l'égard des valeurs constitutives des sociétés occidentales, encourageant son auditoire au séparatisme, notamment par la promotion de la discrimination envers les femmes et leur soumission aux hommes. Ses propos sont largement diffusés sur les réseaux sociaux au travers d'un compte Facebook et d'une chaîne Youtube, auxquels un public important est abonné et qui regroupent les interventions qu'il a faites en France depuis plusieurs années.

Cette personne a saisi le juge des référés du tribunal administratif afin que sa décision d’expulsion soit suspendue. Celui-ci a accepté sa demande, toutefois, le juge des référés du Conseil d’État vient d’annuler la décision de suspension.

En effet, le discours de cet homme, théorisant la soumission de la femme à l'homme et impliquant que les femmes ne puissent bénéficier des mêmes libertés ou des mêmes droits que les hommes, méconnaît au détriment des femmes le principe constitutionnel d'égalité. Ils sont des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes au sens de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de nature à eux seuls à fonder la décision d'expulsion.

Par ailleurs cette décision n’est pas manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale ; ses enfants sont majeurs et ne dépendent plus de leur père, son épouse, qui est également de nationalité marocaine, ne se trouve pas dans l'impossibilité de se déplacer au Maroc et de l'y rejoindre le cas échéant.

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